Bonjour a toutes et à tous
En réalité j'ai fais exprès d'attendre un peu avant d'intervenir dans ce merveilleux échange d'opinion qui nous vient du Vanuatu. Une rétroaction aussi riche d'Ariane, Georges, Véronique Samia-Lisa et de Dai est de nature à me fournir personnellement un recul contextualisé pour émettre une opinion sur une réalité de terrain que je ne maitrise pas mais qui traduirait, inéluctablement, des réalités communes avec d'autres milieux dans le monde. De par ma modeste expérience dans ce domaine, un peu partout en Francophonie du Sud particulièrement, j'ai fait face à ces situations et ces difficultés d'ordre juridique, politique, pédagogique, économique, technique, linguistique, socio-culturels, etc. J'en ai évoqué une bonne partie dans les webinaires déjà réalisés avec le Vietnam, Laos et Cambodge, particulièrement pour traiter les questions contraignantes sur les plans juridiques (cadre réglementaire) et économiques (modèle économique). Sans revenir sur les détails j'aimerais juste rappeler certains faits prégnants de l’Enseignement à distance et les conditions de son application comme solution éducative innovante.
- D'abord les réalités des contextes diffèrent et ne sont tributaires d'aucun modèle préalablement établie. Il y a certes des modules et des actions standards a entreprendre, mais chaque contexte est singulier. L'idéal serait que tout se fasse dans le cadre d'un montage de projet structuré conforme à un contexte précis dans lequel les facteurs de réussite sont étudiés et maîtrisés, particulièrement les questions économiques, juridiques et pédagogiques. Autrement, comment justifier les frais de toutes les transformations tant techniques (achat de PC, coûts de connexion...), juridique (valorisation des charges, des cours, des diplômes...) et pédagogique (coûts de la conception de cours, rémunération de tuteurs...)? Ces aspects sont déterminants dans la réussite d'un projet de formation à distance ou hybride.
- L'enseignement à distance peut ne pas être une alternative qui DEVRAIT se faire comme un projet de transformation radicale. Il est d'ailleurs recommandé de procédé par phases successives de test, d'évaluation, puis de sensibilisation et de mobilisation avant de s'inscrire dans une optique de projet d'établissement. Autrement, l'EAD peut commencer par l'usage d'un outil TIC comme appui (ou substitut) d'une pratique pédagogique dans un cours présentiel sans en faire une obligation tout en focalisant ses plus-values (temps, qualité, interactivité, conservation,...). L'objectif est de créer et sensibiliser sur le besoin et la rentabilité de son utilisation. Comme c'est commun, face à toute nouvelle technologie, un phénomène de réticente (résistance au changement) est immédiatement observé. C'est ce qu'a bien précisé Véronique en parlant des zones de confort pédagogique des enseignants qui refusent à changer leurs pratiques et leurs habitudes. La meilleure méthode face à ce repli est la motivation par une quelconque de valorisation : compensation matérielle, certification de compétence, avantages horaires, eRéputation, ....
- Une expérience EAD peut monter en envergure autant qu'elle fédère autour d'elle d'acteurs engagés, notamment des décideurs. Il faut retenir que dans beaucoup d'établissements d'enseignement y compris universitaires, l'EAD reste encore un choix pratiques d'enseignants sans que ce soit un volet officiellement reconnu dans les textes juridiques des établissements. Dans mon université (Université Bordeaux Montaigne), nous profitons d'un cadre technologique qui a été mis en place dans le cadre de l'informatisation de la société française (non exclusif à 'enseignement à distance), pour choisir selon nos choix pédagogiques les outils TIC à utiliser dans nos cours. Avec la Covid-19, tous les enseignants, adeptes ou réticents, se sont trouvé "obligés" à faire pareil. Des enquêtes et des analyses statistiques ont démontré que parmi celles et ceux qui n'ont jamais (ou très peu) utilisé l'outil informatique en cours, sont désormais acquis à la cause de l'EAD. Il a fallut bien entendu un accompagnement pendant le confinement pour surmonter les phobies des TIC. Cela prouve que face à chaque contrainte, il faut agir par une stratégie d'action adaptée. Sinon, rien ne bougera. Et puisqu'on ne peut arrêter le progrès, si on ne bouge pas, on recule.
- Revenant au cas du Vanuatu, vos échanges ont donné lieu à une vue radioscopique prometteuse et suffisamment riche pour préfigurer une belle relance EAD si une étude de faisabilité permettrait de bien cerner l'existant, les besoins et surtout les meilleures stratégies d'action selon la réglementation en vigueur : juridique, administrative, économique technologique. Et là, je fais appel aux chiffres donnés par Ariane des 70 écoles secondaires du pays dont 36 ont aujourd’hui une plateforme Moodle fonctionnelle et à la liste donnée par Georges des sites qui sont actuellement en ligne, pour dire que même si cela vous paraît uniquement une réussite sur le plan technique, cela reste aussi un excellent noyau sur lequel construire une approche-projet qui soufflerait dans ce noyau un potentiel de compétences (formation de ressources humaines), une réforme éducative (innovation pédagogique), une démarche qualité (évaluation, valorisation par les indicateurs), une vision prospective (démultiplication). Ces aspects ne doivent pas faire peur. Au contraire, mieux vaut les comprendre pour pouvoir les planifier sur la durée selon une approche très connue aujourd'hui : la méthode agile. "La méthode Agile recommande de se fixer des objectifs à court terme. Le projet est donc divisé en plusieurs sous-projets. Une fois l'objectif atteint, on passe au suivant jusqu'à l'accomplissement de l'objectif final. Cette approche est plus flexible. Puisqu'il est impossible de tout prévoir et de tout anticiper, elle laisse la place aux imprévus et aux changements".
Bref, même si cela reste une prérogative d'établissement, voire d'état, une approche bottom-up (de l'enseignant vers le décideur) a souvent prouvé son efficacité en créant des cercles d'influence qui réclament des transformations. Si un ou plus enseignants parviennent à démonter une efficacité prouvée de l'utilisation de l'EAD ou de l'hybridation (quitte dans un simple petit module présentiel), cela constitue un pas vers un objectif plus conséquent. La sensibilisation et la mobilisation prennent du temps. Sur ce terrain, vous avez l'AUF comme partenaire idéal qui dispose d'un savoir et d'un savoir-faire de longue date dans l’accompagnement de projets de ce genre. Notre ami Dai, Docteur en la matière et grand spécialiste de ces questions est le référent AUF incontournable dans la région.
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Mokhtar Ben Henda